Article mis à jour le 6 Nov 2022
Elles sont laides et poilues, attendent la nuit pour vous mordre dans votre lit, celles qui portent une croix sur le dos ont une morsure douloureuse, les grosses noires trouvées dans l’évier au petit matin remontent par les canalisations, elles pondent sous la peau,…
Autant de fausses rumeurs et croyances non fondées qui mènent la vie dure à ces petites bêtes pourtant inoffensives ! Mais que savez-vous réellement sur les araignées ?
Pourquoi suscitent-elles donc autant la crainte, la peur voire la phobie chez beaucoup d’entre nous ?
Le cinéma constitue sûrement un vecteur important de la peur des araignées et, qui plus est, la légitimise en véhiculant des images anxiogènes. De nombreux films ont alimenté la conscience collective de visions d’horreur, en présentant des araignées géantes et agressives pour lesquelles l’homme est une proie. Les films Tarantula, l’Horrible invasion, Arachnophobie, ou des ouvrages récents et largement répandus tels qu’Harry Potter et son Aragog, ou Arachne dans Le Seigneur des Anneaux, jouent sur la corde sensible. Et que dire de notre bon vieux Tintin, arachnophobe notoire !
Les réseaux sociaux jouent également un rôle majeur dans la mésinformation et la propagation d’informations dénuées de tout fondement scientifique. En 1993, époque où internet était encore considéré comme une source fiable d’information, une chroniqueuse du nom de Lisa Holst a tenté de démontrer à quel point une information diffusée pouvait être prise au sérieux et relayée sans jamais être remise en cause. Elle a ainsi délibérément lancé des fausses rumeurs afin de pouvoir évaluer leur vitesse de propagation. Parmi elles, la fameuse légende urbaine de la dizaine d’araignées par an que nous avalerions pendant notre sommeil. Légende toujours bien vivante à l’heure d’aujourd’hui !
Il est à noter que la peur liée aux araignées est presque exclusivement un phénomène occidental ancré dans notre culture ! En effet, on ne trouve pas vraiment de comportement similaire dans les autres régions du monde comme en Orient ou en Afrique. C’est assez paradoxal, quand on sait que des espèces bien plus impressionnantes que les nôtres occupent ces contrées. L’araignée y est par ailleurs bien souvent respectée.
Nombre de légendes vantent ses mérites et différentes cultures lui rendent hommage. Symbole de sagesse, d’intelligence et de clairvoyance en Afrique, très présente dans l’art des Aborigènes d’Australie, sa toile est également à l’origine du capteur de rêves des indiens Cherokee, toile d’araignée symbolique censée les protéger la nuit. En Slovaquie, l’araignée est même un porte-bonheur et en tuer une constitue un risque de voir s’abattre la malchance !
Tetragnatha sp.
Nos araignées sont-elles venimeuses ?
Alors que quelques-uns d’entre vous commençaient à la lecture de ces lignes à entrevoir un espoir d’être rassuré et au risque de les décevoir… toutes nos araignées sont venimeuses (excepté les Ulobores qui ne disposent pas de glande à venin). Mais il faut s’entendre sur la définition du terme ″venimeux″. Venimeux signifie « porteur de venin » et ne veut pas dire dangereux ni douloureux. Ce venin leur est nécessaire pour se nourrir et liquéfier leurs proies.
L’homme ne constitue en rien une proie pour l’araignée et ce d’autant plus que, n’ayant pas la même échelle de grandeur, elle ne peut nous envisager dans notre globalité. Mais surtout, le fait est que, sous nos latitudes, très peu de nos araignées sont morphologiquement équipées pour traverser l’épiderme humain. L’épaisseur de notre peau équivaut pour elles au cuir d’un éléphant. Aussi, lorsqu’elle nous croise, elle choisit la fuite !
Mais j’entends déjà sourdre quelques réactions :
″Elle a dit : très peu d’araignées sont capables de nous mordre... Je le savais ! Il y en a !″. Sur les 47.800 espèces d’araignées au monde, seules 4 sont mortelles et une douzaine causent des symptômes sévères. On parle à fortiori de très rares cas de mortalité, liés la plupart du temps non pas directement à la morsure elle-même, mais aux conséquences de réactions allergiques. Vous avez plus de chance de mourir d’une attaque d’Hippopotame que d’une morsure d’araignée !
Il est à noter également que dans le top 15 des êtres vivants les plus dangereux au monde, on trouve parmi les quatre premières places : le moustique, l’homme et le chien. Aucune mention de l’araignée.
Et en Belgique ? Aucune de nos 742 espèces n’est dangereuse. Les quelques espèces belges disposant de chélicères susceptibles de traverser notre épiderme (moins d’une dizaine) ne vivent pas à proximité de l’homme. Il s’agit pour la plupart d’espèces rares, vivant notamment dans les milieux aquatiques (l’Argyronète aquatique, la Dolomède des marais,…) ou affectionnant particulièrement les talus de pelouses calcaires au bas desquels elles vivent dans leur galerie souterraine comme nos deux petites Mygales du genre Atypus.
Voilà évacuées toutes les questions qui fâchent ! Table rase est faite de tous ces préjugés. Nous sommes prêts maintenant à les voir sous leur vrai jour !
De véritables oeuvres d’art et des miniatures de précision !
Epeire petite bouteille
Si certaines de nos araignées aux couleurs sombres sont moins sexy, la grande majorité d’entre elles présentent des motifs et des couleurs magnifiques, dignes parfois de grands artistes. Ceci dit, comme je le dis souvent, une fois écrasée sous une pantoufle, tout de suite on voit beaucoup moins bien !
L’observation de ces spécimens à la loupe en émerveillera plus d’un, et aller à leur rencontre avec les enfants peut s’avérer être une activité passionnante. Les araignées sont captivantes de par leur grande diversité de formes et de couleurs, mais aussi de par leur multiplicité de comportements.
Qu’il s’agisse des différentes techniques et méthodes de chasse, puisque toutes ne capturent pas leur proie à l’aide de toile piège. Certaines chassent à courre ou encore à l’affût, bien en évidence sur une fleur ou une plante dont certaines peuvent même prendre la couleur pour passer inaperçue.
Misumena vatia, qui est capable de changer de couleur selon son support
Leur variété consiste aussi dans leur stratégie de séduction et de parade amoureuse.
Les mâles de la famille des araignées sauteuses (Salticidae) offrent généralement à leur prétendante une parade de séduction élaborée, en dansant et tapant non pas des mains, mais des palpes.
Monsieur Pisaure (Pisaura mirabilis) emballe méticuleusement un petit cadeau qu’il offrira à la demoiselle qu’il rencontrera, moins pour la convaincre que pour l’occuper et détourner son attention pendant qu’il assurera la transmission de son patrimoine génétique.
Les comportements maternels sont eux aussi très diversifiés. La femelle d’Epeire, bien visible à la fin de l’été grâce à son abdomen arborant un ventre rond de future maman, ne verra pourtant jamais ses petits. Elle pondra sa progéniture dans un petit cocon douillet qui permettra aux bébés de passer l’hiver, protégés des intempéries, et d’éclore au printemps suivant, alors que les adultes mourront pour la plupart.
Certaines espèces aménageront une pouponnière dans leurs appartements.
Pisaure admirable avec son cocon à gauche, et avec sa pouponnière à droite
Les Araignées-loup, quant à elles, porteront leur cocon tout au long de la période d’incubation et lui apporteront les soins nécessaires au bon développement des petits. Elles les aideront à sortir du cocon à terme et elles joueront à la maman-taxi en transportant leurs bébés sur leur dos.
Araignée-loup femelle portant ses petits sur son dos
D’autres mères exemplaires iront jusqu’à se sacrifier pour nourrir leur progéniture.
Et que dire encore de la complexité de leur perception de l’environnement et du rôle fondamental de la soie qu’elles produisent en tant qu’architecte, facteur de socialisation et de développement de leurs systèmes de communication.
Si vous désirez lever un coin de la toile, rendez-vous sur le terrain !